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JIM CLARK VU PAR GÉRARD CROMBAC

Propos recueillis par Eric Bhat | Photos : Michael Cooper Archives

Les histoires de « Jabby » Crombac ont toujours été aussi savoureuses que cruelles. Le créateur de Sport Auto ne ménageait personne et seul son amour infini pour la course lui épargnait les retours de bâton. Et quand il s’est mis à parler de Jim Clark avec Eric Bhat, cofondateur de Grand Prix International, celui-ci n’a pu s’empêcher de sortir son dictaphone à cassette. Un vieux réflexe.

Fanatique de compétition et de technique, Gérard Crombac s’essaya d’abord au pilotage (sur une Lotus bien entendu), mais il jeta vite le gant, jugeant qu’il ferait meilleur usage de sa plume. Il devint ainsi journaliste et ne tarda pas à créer en 1962 Sport Auto, le magazine qui accompagna l’éclosion du sport automobile en France, dans la foulée de Matra et de Beltoise. « Jabby » en assura la rédaction en chef jusqu’en 1989.
Casquette à carreaux, larges lunettes, la pipe à la bouche : sa silhouette était connue sur les circuits du monde entier. A tel point qu’il fut souvent croqué dans les albums de Michel Vaillant. Dans le monde réel, les lecteurs de Crombac dévoraient ses fameux Carnets de route, consacrés de façon savoureuse aux coulisses de la F1. Jim Clark disparu, ses témoins de mariage furent Graham Hill et Jochen Rindt : c’est dire si la vie de « Jabby » était tournée vers le domaine de la course.
Ce journaliste ouvertement anglophile, proche de Colin Chapman, représenta longtemps Lotus en France, baptisa son fils Colin, et resta un fervent supporter de l’écurie anglaise au bord des pistes, et fit beaucoup pour convaincre l’ingénieur Gérard Ducarouge de la rejoindre après la mort de Chapman. Sa connaissance du sport automobile et de ses acteurs lui valut de collaborer avec de nombreux constructeurs et organisateurs. C’est ainsi lui qui composait les plateaux des Trophées de France F2 (Pau, Reims, Rouen, Albi), négociant notamment les primes de départ des pilotes qui lui en savaient gré.
Né le 7 mars 1929 à Zürich, « Jabby » est mort d’un cancer le 18 novembre 2005 à Paris, à l’âge de 76 ans, non sans avoir rédigé ses mémoires – pas tout à fait sa meilleure production, nobody is perfect. En revanche, ses fans récitaient par cœur des chapitres entiers de Grands Prix dans les secrets des stands, son chef-d’œuvre publié chez Solar. Gérard Crombac a suivi au final 578 Grands Prix de Formule 1, et ne s’en est jamais lassé : un vrai fan. Peu avant de mourir, il avait raconté à Eric Bhat, cofondateur du magazine Grand Prix International, les liens qui l’unissaient à Jim Clark, ce champion génial et si secret des années 1960. Voici donc « Jabby » nous contant l’histoire de sa plus grande amitié. Pour la dernière fois… Le tout accompagné de photos personnelles qui sont pour la plupart inédites en France, en Belgique et en Suisse.
« Une seule fois, une seule, nous nous sommes engueulés. C’était à Pau, la veille du Grand Prix de Formule 2. Nous rentrions de dîner avec les membres de l’écurie Lotus, et nous nous étions empilés à une douzaine dans un gros break. Jim Clark, au volant, nous a proposé de couvrir un tour du magnifique circuit tracé dans les rues de la ville. “Sois prudent, Jimmy !” lui ai-je lancé, pensant à nos agapes. Ma petite remarque l’a rendu fou furieux. “Quoi ? Prudent ? Tu crois que je ne sais pas conduire ? Je suis quand même Jim Clark !”
Il a rageusement appuyé sur l’accélérateur et franchi tous les virages sur les poignées de portière. Les mécaniciens de Lotus idolâtraient Jim. Ils étaient ravis. Moi, j’étais mort de trouille. Je ne l’avais jamais vu en colère. Jimmy Clark était mon meilleur ami.(Découvrez la suite du reportage dans le Grand Prix #3).

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