PIRONI, PORTRAITS D’UN SEIGNEUR

LE MANUSCRIT INÉDIT DE MADAME PIRONI MÈRE

Par Éliane Pironi | Photos Bernard Bakalian, Jean-François Galeron, Manou Zurini & DPPI

EXCLUSIF – 1re PARTIE
C’est Gilles Pironi, l’un des fils de Didier, qui nous en a parlé le premier. Ce manuscrit a été écrit par Éliane, la maman de Didier, à sa demande. Il devait retracer, à travers le regard de la mère, l’ascension du fils jusqu’au titre mondial de Formule 1. Un récit au parti-pris très maternel, mais vraiment touchant.

Ce texte devait être écrit avec la collaboration d’un journaliste sportif. Nous n’avons pas réussi à l’identifier mais, au vu du style, il s’agit plutôt du récit brut de Madame Pironi, dont nous vous livrons les premiers extraits. Une saga étonnante où l’amour d’une mère transparaît à chaque ligne. Didier était un enfant gâté mais bosseur, couvé mais libre, à qui sa maman pardonnait tout. A chaque embûche, ce sont les autres qui trinquaient ! C’est drôle, touchant et, à n’en pas douter, nos mères à tous l’auraient écrit de la même manière…
Au mois de novembre 1960, Didier s’était retrouvé à la une des journaux, avec Bernard, Serge et le fils Valet, de grands garçons de 12 ou 13 ans. Ce jour-là, dans les rues avoisinantes, les trois grands et Didier se défient à vélo dans des poursuites effrénées. Ils passent et repassent entre les grilles des bureaux de l’entreprise familiale et la maison de Madame Fresnay, notre voisine d’en face, en poussant des cris de Sioux. Tout à coup, des fenêtres de mon bureau, je vois dans un nuage de poussière Didier prendre un virage sur le… genou. Il s’arrête pile devant la porte en criant :
– Maman, maman, appelle les gendarmes, il y a des voleurs chez Madame Fresnay.
– Écoute, Didier, jouez aux gendarmes et aux voleurs, mais laissez-nous travailler en paix.
– Bon, bon, t’énerve pas, on va arranger cela tout seuls.
Peu de temps après, il revient. Sûr de lui, en colère, il m’apostrophe en hurlant :
– Cette fois, tu vas m’écouter. Et fais vite ! Nous avons relevé le numéro de la camionnette des voleurs, pour la police. Appelle-les vite !
C’était vrai : Madame Fresnay avait été frappée, ligotée, jetée dans sa baignoire et cambriolée. Mais grâce à la plaque minéralogique relevée par les enfants, les coupables furent arrêtés. Radio, télé, journaux… se sont emparés de l’affaire. Je ne sais ce qui dans tout ce tintamarre a déplu à Didier, mais il n’en a jamais plus parlé.
A 8 ans, il prend le volant !
Un peu plus tard, il s’est épris de mécanique et passait tout son temps libre dans l’atelier de l’entreprise familiale. Si bien que, vers l’âge de 8 ans, il savait conduire tous les appareils de chantier. Il leur portait un intérêt passionné. C’est ainsi que s’est ouverte sa période de conduite sans permis, émaillée d’une série incalculable d’épisodes, allant de l’incident à la citation en correctionnelle. […]
Une fois, les passants préviennent la police : ils ont vu passer dans la rue de Valenton, à Boissy-Saint-Léger, un camion dépourvu de conducteur ! Car la tête de Didier ne dépasse des vitres latérales que de quelques centimètres. Un autre jour, le commissariat est averti du vol d’une voiture bleue. Pendant ce temps, Didier a emprunté la R8 Gordini de son cousin José (Dolhem, volant Shell 1969, en réalité son demi-frère, devenu pilote avant lui, ndlr). Didier voit un barrage, au loin. Il accélère, le force, s’échappe et sème les policiers qui le prennent en chasse. Didier rentre à la maison et file sous sa douche. Il fait toujours appel à l’eau froide pour se décontracter. Je monte, l’appelle. Il sort en demandant : «  Que se passe-t-il ? » Et vlan, je lui décoche, en guise de réponse, une gifle qui m’ébranle. Il me tend l’autre joue, avec l’amorce d’un sourire.
Désespérée, je pars en murmurant : « Mon dieu, que vais-je en faire ! »
Et lui de me répondre : « Un champion, maman ! »
Quelques mois plus tard, il part avec José voir son copain pilote, Etienne, à Villecresnes, qui court en championnat d’Europe de Formule 3. Il vient de recevoir sa Martini flambant neuve. Didier, ému, n’ose en croire ses yeux. Plus loin, José et Étienne parlent moteur, tenue de route, aérodynamique… Tandis que lui contemple le bolide, réalise qu’il est à sa portée ! Quel supplice de ne pas pouvoir se caler dans le cockpit. La tentation est trop forte : comme un fauve, il se jette à bord, démarre en boulet de canon et, à fond la caisse, parcourt les rues de Villecresnes, éclaboussant les passants de cailloux et de poussière ! C’est un président de tribunal correctionnel qui lui a ensuite fait entendre raison.
– Vous avez 14 ans et trois inculpations. De quoi entraver définitivement votre avenir. Qu’en pensez-vous ?
– Je veux devenir un champion du sport automobile !
– Eh bien, jeune homme, pour ce faire, donnez d’abord l’exemple : un champion, c’est fort, courageux et sans reproche.
Le message semblait enfin reçu. (Découvrez la suite du reportage dans le Grand Prix #8).

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