Spa-Francorchamps, 25 juillet 1971, 15 h : une imposante Mercedes 300 SEL rouge arrive deuxième des 24 Heures, remportant la catégorie des plus de trois litres. Personne – mis à part son géniteur, le tuner AMG – n’escomptait un tel résultat. Durant toute l’épreuve, cette curieuse limousine coursifiée aura enthousiasmé le public et les nombreux journalistes présents. Mercedes revenait-il en compétition ? Un sujet et un exploit explosifs.
À la suite du drame des 24 Heures du Mans 1955 – la 300 SLR de Pierre Levegh avait causé la mort de quatre-vingt spectateurs – Mercedes avait renoncé à tout engagement en compétition. En fait, ce ne fut pas totalement le cas. Sous la houlette de Karl Kling, le pilote vainqueur de la Carrera Panamericana 1952 sur une 300 SL, un petit département sportif a discrètement subsisté. Dans les années 60, moult Mercedes 220 et 300 SE « ailes pointues » se sont ainsi illustrées sur les pistes des Carreteras argentines et, entre autres, au Rallye de Monte-Carlo. En 1964, une 300 SE menée par le duo belge Crevits/Gosselin s’est même imposée aux 24 Heures de Spa-Francorchamps. L’année suivante, Manfred Schiek, qui travaillait alors dans le service de Kling à Untertürckheim, siège de Daimler-Benz, a remporté le championnat de Tourenwagen allemand au volant d’une 300 SE à injection directe. Elle avait été préparée, après leurs heures de travail, par ses collègues Hans-Werner Aufrecht et Erhard Melcher.
En 1967, plus motivés que jamais et recevant de plus en plus de commandes pour « épicer » des 300 SE à usage civil, les deux ingénieurs créent leur propre société de préparation mécanique. Ils la baptisent de leurs initiales, A,M,G, le G évoquant la ville de Grossasspach d’où provenait Aufrecht. Cette PME va connaître ensuite une croissance exponentielle jusqu’à son absorption par Daimler AG dans les années 2000. Mais revenons en 1969.
À cette époque, de nombreux constructeurs voient dans les épreuves d’endurance un passage intéressant et incontournable pour asseoir leur réputation de fiabilité. Daimler-Benz, bien que s’étant recentré sur la production de véhicules de série depuis cinq ans, souhaite toutefois revenir dans la course et rééditer l’exploit de 1964. Il engage donc une véritable armada sur le « grand huit » des Ardennes. Las, par un temps très sec, les trois berlines 300 SEL « W112 » (code usine) – dont le 6.3 a été gonflé à 6.8 litres – usent gommes sur gommes aux essais. Or la FIA bannissait alors les pneus larges et les extensions d’ailes non homologués. Courir avec des pneus de série aurait été bien trop dangereux et les innombrables changements de pneus hypothéquaient toute chance de bien figurer.
Les trois « ballerines » rentrent donc à Stuttgart sans même avoir pris le départ…En 1971, le règlement autorise pneus larges et extensions d’ailes. Mais, cette fois, c’est AMG qui tente l’aventure. Il s’agit d’une initiative privée, sans aucun soutien de l’usine. Quoique… nous y reviendrons.
(Découvrez la suite du reportage dans le Grand Prix #25).