NIKI LAUDA, MON IDOLE

Pascal Dro

Niki Lauda était mon idole. Je connaissais sa bio par cœur, les prénoms des membres de sa famille, le nom de son chien, je voulais la même KTM GS 240 que lui, je voulais devenir Champion du Monde comme lui. Comme des millions de gamins kartmen, j’ai essayé de devenir un Niki Lauda, avec son esprit carré et glacé. Mais il n’a existé qu’un seul Niki Lauda et je n’avais pas un gramme de son talent et de son intelligence. Devenu journaliste, je rêvais de le rencontrer. Un jour, Martine Kindt-Cohen, qui fait les casques Bell des pilotes de Formule 1, m’a offert une version réduite du Bell de Nika Lauda. Je me suis dit qu’un jour, je lui demanderai de le signer.

Depuis plus de dix ans, il est posé à côté de mon bureau, au siège de Cape Éditions. C’est d’ailleurs le seul objet « F1 » qui y figure… Et, depuis dix ans, je me dis que je devrais tout de même lui demander de me le signer, enfin. Mais je n’ai jamais osé. Des années durant, je l’ai vu en conférence de presse, déambuler dans le paddock avec son élégance très particulière : Levi’s 501 à boutons (souvent ouverts !), Timberland à crampons, chemise Polo à carreaux et pull sur les épaules, été comme hiver, sans oublier sa casquette rouge. Et jamais je n’ai osé lui adresser la parole.
Un jour, au Grand Prix de F1 du Canada, nous étions tous les deux sur la barque qui menait au paddock, sur l’île Notre-Dame. J’avais les mains moites, très moites, même, mais je me suis présenté et lui ai demandé s’il accepterait de préfacer mon premier bouquin sur la Formule 1. Et il a dit « oui ». Avec chaleur, même, ne s’arrêtant plus ensuite de me donner des idées et des avis pour cette préface. Par la suite, chaque fois que j’avais besoin – ou plutôt envie – de lui parler, il était là et répondait avec gentillesse, toujours en prenant le temps de faire ce qu’il voulait bien faire. Il nous a beaucoup aidé pour la réalisation des Grand Prix #5 et 6 consacrés à François Cevert, bien que nous n’ayons pas publié les détails les plus crus de son récit. Une histoire dure qu’il racontait avec son humour noir et en vous regardant droit dans les yeux. Niki Lauda était un dur, un vrai, un guerrier. Mais pas par nature, car je continue de croire qu’il était un homme simple et drôle et qu’il se protégeait ainsi. Quitter les ambiances austères des conseils d’administration, larguer la dureté de son grand-père et des banques… Il l’a fait en filant en F1, mais aussi en épousant Marlène, artiste-peintre, en passant du temps avec elle aux Baléares et en rigolant, ensuite, chaque fois que c’était possible.
Lauda était un modèle et un homme drôle, plein d’autodérision et d’humour. Un homme qui avait le plus souffert à la suite du crash d’un de ses avions, ce qui lui avait coupé le sommeil jusqu’à ce qu’il ait, seul contre tous – et contre l’enquête de Boeing -, prouvé la responsabilité de l’avionneur et dégagé celle de son équipe. Niki Lauda était aussi un amoureux, un père de famille présent, un ami fidèle et il a indiscutablement contribué à la construction d’une foule de gamins tels que ceux que nous étions à la fin des années 70. Son franc-parler, sa présence et sa chaleur (oui, oui !) nous manquent déjà. Au revoir, mon idole. Le casque est toujours là. Un immense merci à Joe Dunn, Paul Fearnley, Bernard Bakalian, Paul-Henri Cahier et Pierre Ménard qui ont immédiatement réagi et permis la réalisation de ce 29e volume de Grand Prix.

pascal@grandprixmag.com

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