RENAISSANCE

ALPINE IS BACK

Lionel Froissart | Pascal Dro

Alpine fera-t-elle le buzz automobile européen de la décennie ? La réponse dépend exclusivement de Renault. En dépit du secret qui entoure ce vieux projet qui prend vie aujourd’hui, on en apprend chaque jour un peu plus. Voici les petits mystères d’une renaissance attendue depuis vingt ans.

Une petite bête bleue s’approche, au ras du sol, suivie d’une deuxième, puis d’une cinquième, d’une dixième, d’une cinquantième …. Exceptionnellement, ce n’est pas le ciel monégasque qui azure l’horizon, mais l’immensité de l’espace monégasque réservé aux puces bleues. Au total, plus de quatre-vingts Berlinettes Alpine saluent la présentation de l’ultime avatar des créations de Jean Rédélé et de sa bande de fous furieux. Plus tôt dans la matinée, Carlos Ghosn, le président de l’alliance Renault-Nissan, s’était longuement entretenu avec leurs propriétaires, tous très émus de voir la saga Alpine repartir de plus belle. Une fois les curieux de la presse rendus sur zone, Ghosn reprit son rôle de bateleur – plutôt convaincant depuis qu’il considère le sport automobile comme un vecteur majeur de dynamisation de ses marques – pour présenter l’Alpine Vision, deuxième et avant-dernier volet du compte à rebours de cette renaissance.
Car si la première mouture fut présentée en bleu, que la deuxième, qui s’apparente à un modèle de présérie « achevé à 85 % », est blanche, il y a des chances pour que la troisième, la vraie, soit dévoilée en rouge. Pour quelle raison ? Il en existe deux : la première se trouve dans la dimension « chic et sport à la française » qui préside à la renaissance de la marque. C’est là un point d’encrage important de cette longue opération de lancement et de « teasing ». La seconde raison tient à l’histoire… Car c’était en trois couleurs, bleu, blanc et rouge, que Jean Rédélé avait, en 1955, présenté les trois premières A106 à la Régie pour obtenir son appui et sa fourniture de moteur.
Soixante ans plus tard, nous attendons avec impatience la nouvelle Alpine avec le même cérémonial. Histoire de symbole. Bien sûr, elle pourrait ne pas naître rouge, mais cela ne changera rien. D’autres points communs, tels que la puissance et l’architecture, seront à  noter dès son apparition. En effet, la dernière Alpine A110 de course officielle avait couru avec un quatre-cylindres turbo (signé Bernard Dudot) et la nouvelle, qui s’appellera peut-être A210, débutera sa carrière avec un… quatre-cylindres turbo de 250 chevaux signé Renault Sport Technologie.
Côté timing, les choses ne semblent pas encore tout à fait fixées, puisque Bernard Ollivier, le PDG sortant, affirme qu’elle ne sera pas dévoilée au Mondiale de l’Automobile de septembre, mais que ce sera fait avant la fin de l’année. De son côté, Michael van der Sande, son successeur désigné, déclare que ce ne sera pas avant 2017. Qu’importe, après tout : la nouvelle est si heureuse que nous n’en sommes plus à quelques mois près. Pensez, les dernières A610 datent de 1995. Une éternité ! Et le temps perdu sera rattrapé assez rapidement. Certes, le nouveau président met toute son équipe sous pression en disant que « si le premier modèle ne se vend pas, il n’y en aura pas d’autre ».
Pourtant, chez Renault comme à Dieppe, on travaille d’arrache-pied sur toute une gamme Alpine. Ainsi, la version cabriolet de l’A210 est déjà prête et suivra de peu le lancement du coupé. Suivra un SUV badgé Alpine qui pourrait être construit sur la plateforme de la Nissan Z. Sacrilège ? Pas du tout. Comme vous le lirez dans l’interview que nous a accordé Jacques Cheinisse, ex-directeur commercial et sportif d’Alpine, il s’agit là d’une idée qui date de 1970 chez Alpine et qui avait donné lieu à la création d’un prototype. Nous sommes donc bien là en présence d’une Alpine légitime à double titre, puisque le marché la demande et que Porsche, le « benchmark » d’Alpine, fait un carton avec ses Macan et Cayenne sur le segment « premium ». Ensuite viendront, dans un ordre qui reste à définir, une grosse auto de course appelée à  courir en GT, au Mans et ailleurs et un gros coupé cinq portes dont la maquette échelle 1 est actuellement en cours de réalisation au centre de style de Boulogne.
Les choses sont claires : nous sommes exactement sur la duplication de la gamme Porsche actuelle. Avec, dans tous les cas, un positionnement prix et performances un cran en dessous, certes, mais justifié par une image de marque quasi inexistante et à  construire. Même chez Renault et chez Alpine, on en convient. Si le gros du projet industriel débute dans quelques mois avec la mise en chantier des autos et le démarrage de la ligne de production à Dieppe, on ne saura réellement l’avenir de la marque que dans deux ans. Les objectifs seraient fixés à 3 000 voitures vendues par an, sur les trois ou quatre premières années pour ce premier modèle. Ce sont là des chiffres ambitieux, pas simples à atteindre. Ils témoigneraient (s’ils sont confirmés) des moyens importants qu’investirait Renault dans ce lancement. La possibilité d’un échec évoquée par le PDG ? Gageons qu’elle n’est que théorique et sert, dans la bouche du nouveau président, à mettre la turbine en pression.
En tout cas, la déclinaison de la gamme ne débuterait donc au plus tôt qu’en 2019 ou 2020. Ce qui semble à la fois raisonnable et réaliste. À Dieppe, tout le monde est fou de joie : entre construire les « Autolib’ » merdiques, conçues en Italie, de Bolloré et entamer une nouvelle aventure Alpine, c’est une fierté retrouvée pour tout le monde. (Découvrez la suite du reportage dans le Grand Prix #20).

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