RÉVÉLATIONS

JEAN-PIERRE JABOUILLE

Les savoureux secrets du “Grand Blond”

Éric Bhat | Photos LAT et Éric Bhat

Au début, ça partait comme des retrouvailles de vieux cons. Jean-Pierre Jabouille et moi nous
connaissons depuis… plus de quarante ans, je pense. Et puis, c’est devenu une rencontre d’anthologie. Quand je repense à ce déjeuner, j’ai la banane. 

Nous nous sommes retrouvés dans un bistrot de la Porte de Saint-Cloud, à Paris. J’avais oublié mes lunettes. Pour y voir clair, j’ai demandé au garçon la table la plus lumineuse de l’auberge. Jabouille a dit :
« Moi, ce sont les oreilles qui me font des misères. Si on parle, j’entends très bien. Mais dans le brouhaha, il arrive que les sons se brouillent. Vous n’avez pas une table un peu à l’écart ? »
« Ah ! ouais, j’ai dit, moi aussi. C’est à cause de la F1. Je faisais le malin au bord des circuits, sans tampons protecteurs, et mes tympans me le font payer quarante ans plus tard ! »
« Moi, a dit Jabouille, ça a commencé après une édition des 24 Heures du Mans sur la Matra, en 1970. Le V12 Matra était très strident. Lors d’un relais, j’avais oublié de mettre mes tampons protecteurs. Dans la ligne droite, sans la moindre chicane à l’époque, ça me faisait un mal de chien. J’ai fait tout le relais comme ça. À la fin, quand je suis rentré aux stands, les gens remuaient les lèvres, mais aucun son ne sortait de leur bouche ! Et ça a duré plusieurs heures avant de revenir à la normale. »
Et on a continué comme ça. Dans le bistrot, le garçon a commencé à devenir fou : « Bon, alors, vous voulez vous mettre où ?»
Après ce sketch digne des deux vieux compères dans le Muppet Show, nous avons trouvé une table à notre goût. Il n’était plus question du tout de vieux cons. Ce fut un régal d’interview, en totale complicité. J’ai ouvert mon cahier et frénétiquement noté chaque propos jusqu’au moindre mot. Jabouille n’a éludé aucune question, et je n’ai même pas touché à mon entrecôte tant l’entretien a été dense, précis et passionné. Quand Pascal Dro est venu nous tirer le portrait, Jabouille et moi avons trinqué vite fait, puis repris l’entretien aussi sec !
Pour avoir vu courir Jabouille autant de fois, en F3, F2 et en F1, en prototypes aussi, j’ai toujours eu une réelle estime pour ce pilote atypique, féru de technique autant que de trajectoires. Mais c’est un jour à Cabourg que j’ai découvert son opiniâtreté. Avec le photographe Bernard Asset, nous débutions dans le monde de la F1, où l’accueil, frais de prime abord, se transforma bientôt en franche camaraderie ! C’est ainsi qu’à l’été 1983, nous partageâmes les vacances normandes des familles Laffite et Jabouille, auxquelles s’était jointe la famille de Johnny Rives : autant dire le haut du pavé ! Le temps d’un été, trêve estivale de la F1 aidant, tout ce monde-là se répartissait dans deux grandes maisons de bord de mer. Loin de la pression des circuits, il ne fut question que de tennis, de cerfs-volants sur la plage… et de karting. C’est là que j’ai vu combien Jabouille était perfectionniste. (Découvrez la suite du reportage dans le Grand Prix #17).

À découvrir aussi dans le volume #17

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