ÉPOPÉE

PATRICK TAMBAY : RÉSURRECTION À MARANELLO

Pierre Ménard – Photos WRi2/ Jean-François Galeron & Archives Patrick Tambay

Il a gagné deux Grands Prix en rouge. Deux des plus beaux, deux des plus émouvants, au volant de monoplaces frappées d’un numéro magique. Patrick Tambay s’est souvenu pour nous de ses deux saisons passées au sein de la Scuderia Ferrari. 

« J’ai vécu une période formidable, j’ai rencontré des gens extraordinaires, j’ai gagné deux Grands Prix dans des conditions très particulières, sous des charges émotionnelles énormes. J’aurais dû en gagner d’autres, mais l’histoire retiendra ces deux-là. »
Ainsi parle Patrick Tambay, les yeux dans le vague, confortablement assis dans un fauteuil des studios RMC à Paris, où il commente la Formule 1, un matin de Grand Prix délocalisé. Son histoire est chargée d’émotions, de symboles… et de gloire. De plaisir également. Celui d’avoir travaillé avec des passionnés, qu’il revoit encore trente ans plus tard. Et pourtant, à bien y regarder, il aurait pu ne jamais les vivre, ces moments exceptionnels. Car notre homme est une sorte de « miraculé » de la F1.
Le rendez-vous manqué
Tambay a débuté dans la discipline lors du Grand Prix de Grande-Bretagne de juillet 1977 – le même week-end que son grand ami, le Canadien Gilles Villeneuve – et l’a quittée au lendemain de la fameuse grève des pilotes en Afrique du Sud, en janvier 1982. Entre ces deux dates, quelques maigres résultats et une cascade d’abandons au volant de voitures pas transcendantes. Des désillusions compensées par deux titres de champion Can-Am outre-Atlantique en 1977 et 1980. Avant de quitter Kyalami, il a même lâché aux journalistes interloqués que tout ce « casino » ne l’intéressait plus et qu’il ne daignerait revenir en F1 que pour « piloter une Ferrari ou une Renault » ! « J’avais lancé ça comme une boutade, je ne me doutais pas que ça allait être une sorte de prophétie », se remémore en riant l’intéressé. Autant dire qu’à ce moment précis de sa carrière, seuls quelques optimistes loufoques pouvaient prédire la gloire en Formule 1 à Patrick Tambay. Le triste sort allait rappeler à tous les médisants que rien n’est jamais joué en sport automobile.
Au lendemain de la mort de Gilles Villeneuve à Zolder, en mai 1982, le monde de la course est désemparé. Chez Ferrari, on est carrément anéanti.
« J’étais parti pour relancer ma carrière aux États-Unis en Can-Am et en Indycar avec l’écurie VDS, se souvient Patrick. C’est Didier Pironi qui m’appelle le premier pour ‘‘prendre la température’’ suite à l’accident de Gilles. Il me demande si je suis libre et si j’ai la volonté de prendre le relais. Si c’est le cas, il m’indique de prendre contact avec Marco Piccinini. Ce que je fais après mûre réflexion. »
La nouvelle de l’arrivée du Cannois au sein de la Scuderia est officialisée quelque temps avant le Grand Prix de Hollande, qui se tient début juillet. Elle surprend beaucoup de monde et certaines critiques fusent :
« La presse italienne de l’époque ne s’en est pas privée ! Ils ont dit textuellement : ‘‘Mais pourquoi aller chercher ce vieux cheval de retour’’ ? Ce qu’on ne sait pas toujours, c’est qu’en 1977, après ma troisième course en Formule 1, en Autriche, j’avais été convoqué chez Ferrari par l’entremise de Mauro Forghieri pour conduire pour eux en 1978. Le rendez-vous ayant été reporté car le Commendatore était souffrant, je me rendis le mardi après Zeltweg chez Philip Morris à Londres – j’étais sous contrat avec Marlboro. Là, je discutais avec John Hogan, le patron de Marlboro, de la proposition de Ferrari et, en cours de conversation, arriva – comme par hasard – Teddy Mayer, le boss de McLaren, qui me dit : ‘‘Tu sais, chez Ferrari l’année prochaine, ils auront des pneumatiques Michelin encore expérimentaux, tu seras aux côtés de Carlos Reutemann avec qui ça va être dur au niveau relationnel. Viens plutôt chez nous, on a James Hunt, la M26 qui est une très bonne voiture, un contrat solide avec Goodyear, nous avons été champions en 1976, tu seras plus à l’aise que chez Ferrari’’. Et là, il me sort un contrat de sa mallette… »
(Découvrez la suite de l’article dans le Grand Prix #10).

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