LÉGENDE

CEVERT PAR JACQUELINE BELTOISE

Propos recueillis par Eric Bhat

Jacqueline Cevert a toujours accompagné son frère François. Dès l’enfance, puis dans l’adolescence et sur les circuits : lui au volant, elle comme épouse de Jean- Pierre Beltoise. Si présente dans la vie de François, elle n’était pas à Watkins Glen le jour de sa mort car elle était enceinte. Elle raconte leur exceptionnelle complicité.

Comment ne pas être hantée par cette année 1973, si lointaine et en même temps si présente ! Ponctuée sur tout de façon aussi pénible. Jamais je n’ai couru autant dans les stands. L’équipe Tyrrell était située à un bout de l’allée, l’équipe BRM à l’autre bout, et j’allais sans arrêt de l’une à l’autre. François était célibataire cette année-là. Il avait quitté Christina de Caraman. Les jolies filles défilaient à son bras à un rythme spectaculaire mais jamais bien longtemps. Alors, sur les circuits, il avait besoin d’une présence, pour lui apporter sa bouteille d’eau, nettoyer sa visière ou ranger ses affaires. Jean-Pierre, bien sûr, avait les mêmes besoins. Je vous avoue que depuis mon mariage, François était un peu jaloux de Jean-Pierre. Il était surtout contrarié que je me marie, car il savait que je serais moins disponible. Il aurait été contrarié de n’importe quel mari, plutôt moins contrarié que ce soit Jean-Pierre car il avait une vraie admiration pour lui, mais un peu jaloux tout de même : depuis toujours, François me considérait comme sa chose, il faisait de moi ce qu’il voulait. « Retrouve-moi à la fin de la séance ! », me demandait- il, ce qui me mettait dans l’embarras : « Jean-Pierre m’attend, je ne peux pas. » Ça le mettait en pétard : « Encore ? Ton mari m’énerve… » Finalement, j’allais lui chercher sa bouteille d’eau, une serviette-éponge ou que sais-je encore. Jean-Pierre était évidemment furieux que j’arrive avec cinq minutes de retard : « Ben t’étais où ? Ça fait une heure que je te cherche ! » Ça a été comme ça toute la saison ou presque. Enceinte, j’ai ensuite renoncé à la tournée nord-américaine.
Entre admiration et jalousie
Oui, depuis toujours, François admirait Jean-Pierre, son idole du temps de la moto. Son premier réflexe, quand il a gagné à Watkins Glen en 1971, fut de lui rendre hommage. Aussitôt après la course, les journalistes l’interrogèrent sur son sentiment d’être le premier Français à renouer avec le succès en Formule 1. « Beltoise, rétorqua-t-il, aurait dû gagner un ou plusieurs Grands Prix depuis longtemps ! » Attendez la suite ! François revient en France. A l’aéroport de Roissy, une petite poignée de journalistes l’attend. Il revient à la maison dépité : « Jean-Pierre revient d’Argentine après l’accident avec Giunti, et 300 journalistes l’attendent. Moi je gagne un Grand Prix, et trois ou quatre plumitifs à peine se déplacent. La presse n’aime décidément que les scandales ! » C’est vrai que le retour de Jean-Pierre avait été particulièrement houleux, les médias s’étaient déchaînés.
C’était incroyable, Marilyn Monroe n’aurait pas fait mieux !

(Découvrez la suite du reportage dans le Grand Prix #5).

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