LÉGENDE

CEVERT PAR JEAN-PIERRE BELTOISE

Propos recueillis par Eric Bhat

Quelle belle histoire ! Beltoise, l’aîné, était l’idole de Cevert au temps de la moto, et il a même épousé sa sœur. Cevert, le cadet, est devenu le rival de Beltoise en F1, jusqu’à lui griller la politesse en remportant un Grand Prix avant lui. Un scénario haletant… Jean-Pierre signe ici l’épilogue, non sans émotion.

Je me souviens très bien de ma première rencontre avec François Cevert. C’était au début des années 1960, avenue de Neuilly, chez l’importateur Morini, auquel je rendais souvent visite car je courais alors sur des Jonghi. Le quartier de La Défense n’existait pas encore. On était presque à la campagne, il y avait des jardins et des champs non loin. J’entre dans le magasin, je marche vers le fond. D’abord je vois Jacqueline ! Étincelante ! A côté d’elle, un grand garçon lui parle, assez familièrement. Un air de famille indéniable. J’ai compris que c’était certainement son frère, et que la Norton garée sur le trottoir était la sienne. Je les ai croisés à nouveau par la suite à Montlhéry, François, Jacqueline et la Norton, quand il y a couru sur sa moto entièrement de série. J’avoue avoir été impressionné par son style exubérant en course, presque trop, et je suis allé le lui dire gentiment.
Du doute à l’estime
Nous nous sommes retrouvés quelques années plus tard à Magny-Cours, un frisquet matin d’automne 1966. François s’était qualifié pour la finale du Volant Shell. J’étais persuadé que Patrick Depailler, l’autre finaliste, allait s’imposer. J’appréciais la finesse de son pilotage sur deux roues. Plus léger que ses rivaux, il ne pouvait pas ne pas gagner. C’était compter sans la détermination de François, qui s’adjugea le meilleur temps. Il pleuvait irrégulièrement ce jour-là et le jury, dans son ensemble, a considéré que les conditions de piste n’avaient pas été les mêmes pour tout le monde. Je me suis approché de François, et lui ai demandé s’il acceptait de tourner à nouveau. Très sportivement, il a dit oui. Et il a gagné largement. François ne m’a jamais voulu de ce doute. Par contre, Jacqueline me le reproche encore aujourd’hui, persuadée que j’ai favorisé Depailler. Je le dis haut et for t, je ne l’ai absolument pas favorisé au Volant Shell. Qu’est-ce que je prends dans la figure à la maison quand le sujet revient sur le tapis ! Car entre-temps, quelques semaines à peine après cette finale, j’ai épousé Jacqueline. François avait des origines plutôt aisées, mais son tempérament se situait à l’inverse de ce que l’on surnomme communément un « fils à papa ». Pour subsister et financer en même temps ses activités mécaniques, il a commencé par vendre des encyclopédies sur disques. Un domaine un tantinet aride qu’il a rapidement délaissé au profit d’une société de prêt-à-porter féminin, si ma mémoire est bonne. Bien entendu, sa pugnacité, son talent et sa belle gueule aidant, il a cartonné ! Ainsi s’est-il offert le Volant Shell, qu’il a brillamment remporté : c’est ce qui l’a propulsé dans le sport automobile.
(Découvrez la suite du reportage dans le Grand Prix #5).

À découvrir aussi dans le volume #5

DÉCALÉ

Il faut être fou ou être Anglais pour aller à l’usine en Aston Martin de Grand Prix.

 

BÂTISSEUR

Le “sorcier” Patrick Godet est le seul au monde à être habilité par Egli et Vincent.

 

TEST(OSTÉRONE)

En hommage à Tyrrell, nous avions essayé, après sa disparition, “sa” dernière F1, la 025.

 

COMMANDEZ LE #5 VERSION NUMERIQUE

LE DERNIER VOLUME

ABONNEZ-VOUS

Je m’abonne