TEST(OSTÉRONE)
ALPINE-RENAULT A443 : ELLE ÉTAIT L’ÉLUE…
Par Pascal Dro | Photos Darren Mayburry
On s’en souvient tous. Alpine et Renault, alors en pleine fusion, remportaient une incroyable victoire aux 24 Heures du Mans en 1978, signée Pironi et Jaussaud sur l’A442 à bulle. Pourtant, c’est l’A443 qui avait été désignée favorite par Gérard Larrousse et Renault. Nous en avons pris le volant, sous les yeux du maître…
Le tournant des années 1970 n’a pas été tendre pour la marque Alpine. Après le titre des constructeurs en rallye en 1973 et de belles mais infructueuses tentatives au Mans, la marque de Dieppe est devenue Renault Alpine en 1977. Avant que, en 1978, la Régie ne veuille plus de cette appellation. Tout était pour Renault… Mais les gens qui les ont réalisés, ces fameux Groupe 6, n’étaient-ils pas ceux d’Alpine ? Les Delfosse, de Cortanze et autres.
Aujourd’hui, tout cela est bien loin et la marque Alpine a disparu. Heureusement, de nombreux modèles continuent entretenir la légende, telle l’A443 qui nous intéresse ici. Descendante de l’A441, elle est la sœur allongée de 15 cm des deux A442 et de l’A442B engagées aux 24 Heures du Mans 1978. Remporter cette épreuve était l’objectif fixé par Renault à Gérard Larrousse, trois années plus tôt, lorsqu’il avait créé Renault Sport. Ensuite, seulement, on se consacrerait à la Formule 1. Bref, une affaire d’importance.
L’élite au volant
En 1978, après une tentative assez calamiteuse en 1977, et après avoir abandonné le championnat du monde pour se consacrer au Mans, quatre Renault Alpine sont au départ, dans les mains du gratin de la course d’alors : Jarier-Bell, Fréquelin-Ragnotti (avec l’appui de José Dolhem), Jabouille-Depailler sur l’A443 essayée aujourd’hui et Pironi-Jaussaud. Ces derniers l’ont emporté sur la version B, équipée d’une bulle et de jupes, au terme d’une course que Larrousse évoque encore avec des trémolos dans la voix : « Ils ont réalisé un boulot magnifique et ont également moins ravitaillé que les autres. » L’A443 ? Elle aurait dû l’emporter. Avec un V6 turbo de 2,2 l en lieu et place du 2 l des 442, elle disposait d’une trentaine de chevaux supplémentaires (530/540) et d’une longueur et d’un empattement supérieurs.
Avec une stabilité accrue en ligne droite, davantage de vitesse et une consommation moindre, elle allait jouer le rôle de lièvre. Le problème, c’est qu’on ne sait jamais si le lièvre finira la course. En l’espèce, cette unique « 443 » menait les débats jusqu’à l’aube, avant que Larrousse ne décide, par souci de fiabilité, d’en abaisser la pression de suralimentation.
Pas de carbone, mais
une monocoque en
sandwich. Du classique
et du basique pour
battre Porsche.
une monocoque en
sandwich. Du classique
et du basique pour
battre Porsche.
Dans ma bulle
Un peu plus tard, le moteur cédait. Et de l’aveu même du boss, Jean-Pierre Jabouille lui en a toujours voulu. Mais qui peut assurer que cette casse en fut la résultante ? Le prototype fut réparé et reçut un autre moteur pour une brève apparition lors d’essais tenus sur le Paul-Ricard, fin 1978. Notre A443 n’a donc couru qu’une fois ! Elle a été remise en route pour Le Mans Classic, il y a cinq ans seulement, avec de nouveaux réservoirs qui entourent le pilote (!) et sont enserrés dans la coque. Pour le reste, l’A443 est telle qu’au matin de son abandon. Même les rapports de boîte sont identiques, celle-ci n’ayant jamais été révisée. Pourquoi ? Car elle était incassable.
« Avant 1978, c’était l’un des points faibles. Nous avons beaucoup travaillé la question, lors d’essais de longue durée, à très haute vitesse, etc. Les pignons de cinquième cassaient. D’ailleurs, cela a été assez chaud en termes de délai, avant Le Mans », se souvient Gérard Larrousse.
Dernier détail très visible, la bulle d’époque (le « plexi » étant ouvert, l’A443 conservait son caractère de Groupe 6), qui procurait plus de « calme aéro » dans le cockpit, n’a jamais plu aux pilotes. Enfin, un mot sur ses fameuses jupes qui, elles aussi, sont encore celles qui ont frotté le sol dans la Sarthe, il y a trente ans.
« Une innovation de dernière minute, précise le boss. Elles couraient d’abord tout autour de la voiture, y compris sur l’avant. L’auto s’abaissait avec la charge aérodynamique et il n’y avait plus d’air en dessous. Mais, lors des essais, elle devenait difficile à conduire. On l’a alors “ouverte” en retirant ces balais de l’avant et tout est rentré dans l’ordre… »
La « squadra Renault » était prête, avec les Mirage-Renault, un cran en-dessous, en renfort en cas de désastre « officiel ». (Découvrez la suite du reportage dans le Grand Prix #4)
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